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La mâchoire comme baromètre de notre état mental : Bruxisme et syndrome de déficience postural

La relation entre stress et syndrome de déficience posturale n'a que très peu été étudié jusqu'à présent. Cependant il existe une relation indiscutable entre stress, bruxisme et syndrome de déficience postural.

- Le bruxisme :

D'après le dictionnaire critique des termes de psychiatrie et de santé mentale, « du grec brukein, grincement des dents pendant le sommeil. Le bruxisme se caractérise par une activité rythmique de la mâchoire inférieure et des masséters entraînant l'occlusion des surfaces dentaires produisant un bruit de grincement ou de claquement. Le bruxisme peut être transitoire ou chronique, déclenché par certains stimuli (bruit, lumière...) ou spontané, et il survient chez des personnes considérées comme anxieuses. Il peut être responsable de l'altération des dents, des tissus mous et même de l'articulation temporo mandibulaire à l'origine de céphalées et de douleurs faciales. »

Baromètre

Les méfaits du bruxisme sont cependant assez mal connus du corps médical. En effet il peut y avoir un effet important et néfaste sur le parodonte, les muscles masticateurs et les articulations temporo-mandibulaires.

Notamment au niveau des muscles on a observé : une augmentation du tonus musculaire, une hypertrophie des muscles masticateurs, des douleurs au réveil avec sensation de fatigue, la présence de spasme, des douleurs à la palpation...

Et au niveau de l'ATM, il pourra y avoir : douleur, inconfort, craquements, ressauts , voir limitation d'ouverture buccale.

 

En ce qui concerne l’étiologie du bruxisme, elle fait l'objet de nombreuses hypothèses, mais presque tous les auteurs s'accordent à dire qu'elle est l'association d'une étiologie locale telle qu'un trouble occlusale, et d'une étiologie générale, la plus fréquemment invoquée étant le facteur psychique à savoir le stress et les terrains anxieux.

 

En revanche pour certains auteurs la composante psychique représente le facteur le plus important voir même le seul dans l’étiologie du bruxisme. Il est alors vu comme l’expression d'un conflit interne.

 

Laxenaire (psychanalyste), pense qu'il pourrait y avoir là un hypercontrôle de l'émotion, les sujets refoulent leurs émotions,croyant ainsi s'en débarrasser

«  tous se passe comme si ces sujets provoquaient inconsciemment un avortement de leurs émotions, de peur d'en subir les conséquences »

 

Or nous avons vu précédemment que lors de stress, les décharges d'adrénaline vont entrainer une libération d'énergie. Le stress étant alors d'ordre psychique, cette énergie n'est pas utilisée par le corps, et le sujet aura alors tendance à orienter les énergies non résorbées vers le système stomatognathique.

 

De plus, Sollberg et Thaller ont démontré que les bruxomanes sont normaux d'un point de vue psychiatriques, mais qu'ils présentent un état d'irritabilité accru. On constate que la bruxomanie chez les enfants est souvent liée au développement de leur agressivité face à certains problèmes. De même on signale aussi que le bruxisme devient important chez les étudiants lors de périodes d’examens, ou chez la femme dans le cadre d'un syndrome prémenstruel.

 

La relation entre le stress et le bruxisme étant établie, voyons maintenant en quoi le bruxisme peut avoir une influence néfaste sur la posture.

- Relation entre occlusion et posture

 

Des relations fonctionnelles complexes, mais prouvées existent entre le système manducateur et la position de la tête dépendant des muscles du cou et du rachis. Perturbées ces relations s'inscrivent alors dans le contexte des syndromes de déficience postural, définis comme un dérèglement du système postural fin, lui même défini comme étant un sous système de celui de l'équilibre.

La stimulation desmodontale et celle des récepteurs des articulations temporo-mandibulaires d'une part et des muscles proches d'autre part, comme c'est le cas dans le bruxisme, induisent un dysfonctionnement postural.

 

En effet, il existe des connexions physiologiques entre les dents les yeux et la posture. Notamment via le système nerveux, il existe des connexions entre le ganglion trigéminal et les paires de nerfs cranniens III, IV, et VI responsables de l'occulomotion, ainsi qu'avec le colliculus supérieur qui commande entre autre, le reflexe de fixation de l'oeil.

 

Lors de contact dentaire, les branches des nerfs maxillaire (V2) et mandibulaire (V3), issues des récepteurs parodontaux véhiculent l'information au ganglion trigéminal. Celui ci envoie alors des stimulis conjointement au noyau sensitif du V et au nerfs occulomoteurs. De même le noyau sensitif du V envoie l'information au colliculus supérieur qui, comme nous l'avons dit précédemment joue un rôle dans la fixation du regard.

Articulation temporo mandibulaire

Ces relations entre les dents et les yeux s'établissent également par l'intermédiaire de la formaltion réticulée. En effet l'information parodontale transite par la formation réticulée, elle même en connexion avec le colliculus supérieur et les nerfs occulomoteurs.

 

Or la formation réticulée contrôle également le noyaux spinal d'où partent la Onzième paire de nerf crânien et le faisceau réticulo spinal. Le premier innervant le muscle sterno-cléïdo-occipito-mastoïdien et le trapèze, qui orientent la ceinture scapulaire, et le second innervant d'une part, les muscles sous occipitaux, qui interviennent dans l'oculogyrie, et d'autre part les muscles axiaux paravertébraux, qui eux sont des muscles posturaux.

 

Quant au noyau sensitif du V, il est en relation avec les nerfs sous occipitaux C1 qui innervent les muscles postérieurs du cou, et les nerfs sous occipitaux C2-C3 qui régulent la posture cervicale.

 

Lors de contacts dentaires, les récepteurs parodontaux informent le ganglion trigéminal par les branches des nerfs maxillaires et mandibulaires, l'information parodontale gagne ensuite le noyau sensitif du V puis la formation réticulée qui contrôle les muscles de la ceinture scapulaire et ceux de la posture cervicale et corporelle.

 

Ces liens neurophysiologiques entre la dent, l'oeil et la posture doivent faire prendre conscience que le chirurgien dentiste, s'occupant de diagnostiquer et de traiter le dysfonctionnement cranio-mandibulaire ne peut plus travailler, dans certains cas clinique, sans le recours à un ostéopathe et/ou un orthoptiste.

Bruxisme

- Bruxisme et syndrome de déficience posturale

 

Ainsi, la formation réticulée va perdre son caractère régulateur pour devenir alors renforcatrice et fausser ainsi la synchronisation musculaire des muscles masticateurs.

 

Les ptérygoïdiens latéraux perdent leurs caractères antagonistes pour devenir phasiques, et leurs contractions désordonnées affectent ainsi les muscles qui leurs sont rattachés comme les massetères et les temporaux.

 

Or la contracture d'un muscle, va entrainer par réciprocité celle de son ou ses muscles antagonistes (loi d'innervation réciproque de Sherrington)

Les pétrygoïdiens latéraux ont pour antagonistes les muscles streno-cléïdo-mastoïdiens qui jouent un rôle dans l'ajustement horizontal de la ceinture scapulaire.

Les masseters et temporaux ont eux comme antagonistes les muscles supra-hyoïdiens.

Les muscles supra-hyoïdiens ont pour antagonistes les muscles postérieurs du cou.

De plus les muscles postérieurs du cou sont innervés par les nerfs sous occipitaux C1,C2 et C3 en relation étroite avec le noyaux sensitif du V, comme nous l'avons vu précédemment.

Si celui ci reçoit de mauvaises informations due à un désordre musculaire ou articulaire exacerbées par le bruxisme, il les transmet alors aux muscles postérieurs du cou par l'intermédiaire des nerfs sous occipitaux.

 

Ces différents désordres musculaires interfèrent alors sur la position de la ceinture scapulaire qui se met alors en bascule, entrainant par le jeu des muscles postérieurs et antérieurs du tronc, celle de la ceinture pelvienne.

 

De plus, la formation réticulée sous dépendance du bruxisme, ne filtre et ne régule plus les informations nerveuses. Elle envoie alors un message excitateur via le XIème nerf cranien et les nerfs sous occipitaux C1,C2 et C3, aux muscles postérieurs du cou, au sterno-cléïdo-mastoidien et aux muscles axiaux qui se contracturent et mettent également la ceinture scapulaire en bascule.

 

En résumé le bruxisme va entrainer à lui seul :

  • une contracture des muscles cervicaux et axiaux en général, ce qui peut expliquer les douleurs rachidiennes lors d'un stress chronique

  • une contracture des muscles masséter et temporaux pouvant entrainer des céphalées de tension

  • un syndrome de déficience postural, par déséquilibre des ceinture scapulaires et pelviennes.​

Sources:

-A. Amslem-Kipman, S.-D. Kipman, M. Thurin, et J. Torrente, Dictionnaire critique des termes de psychiatrie et de santé mentale. Editions Doin, 2005.

- M.-J. Hissard, Les relaxations thérapeutiques aujourd’hui: actes du premier Colloque international de relaxation, juin 1987, Paris. Editions L’Harmattan,1988.

- H. Lamendin, Odontologie du sport. Editions CDP, 2004.

- P.-H. Dupas, Nouvelle approche du dysfonctionnement cranio-mandibulaire: du diagnostic à la gouttière. Editions CDP, 2005.

- F. Clarac, P. Buser, D. Walter, Encyclopédie historique des neurosciences : Du neurone à l'émergence de la pensée.De Boeck supérieur, 2008

- Migrane Et Cephalees. Editions Doin.

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